Problématique
Comment notre système immunitaire réagit-il à une infection virale ?
Notre système immunitaire a évolué comme une entité multi composante qui peut être vue comme ayant deux lignes de défense : l’immunité innée et l’immunité adaptative. Bien que les systèmes immunitaires innés et adaptatives soient étroitement liés de nombreuses façons, ils sont chacun constitués de différents types de cellules ayant des fonctions différentes.
Dans un exemple d’infection virale générale, l’immunité innée représente la première ligne de défense. Elle tire la “sonnette d’alarme” immédiatement ou dans les heures qui suivent la rencontre avec un antigène, ralentit la réplication et la propagation du virus, et déclenche la réponse immunitaire adaptative à l’agent pathogène intrus. L’immunité adaptative est dépendante de l’antigène et lui est spécifique, et implique donc un délai entre l’exposition à l’antigène et la réponse maximale (6–10 jours). Elle se compose de trois grands types de cellules : les cellules B produisant des anticorps, les cellules T CD4+ possédant une gamme de fonctionnalités auxiliaires et effectrices, et les cellules T CD8+ tuant les cellules infectées.
Pour simplifier, les anticorps éliminent principalement les virus à l’extérieur des cellules, tandis que les cellules T éliminent les virus à l’intérieur des cellules. Cette puissante division du travail s’est avérée être une approche complémentaire efficace pour contrôler la plupart des infections virales chez la plupart des individus [2].
Le virus SARS-CoV-2 est particulièrement efficace pour éviter ou retarder le déclenchement des réponses immunitaires intracellulaires. Par conséquent, le virus se réplique sans relâche et les réponses immunitaires adaptatives ne sont pas amorcées tant que l’alarme de l’immunité innée n’est déclenchée [3,4]. Les patients atteints du Covid-19 présentent divers degrés de sévérité en termes de symptômes.
Environ 40 % des infections par le SARS-CoV-2 sont asymptomatiques ou bénignes car les réponses des lymphocytes T et des anticorps surviennent relativement rapidement et contrôlent l’infection. En effet, la présence de cellules T et d’anticorps est associée à la guérison de la plupart de ces cas de Covid-19 [5]. D’autre part, si le délai de la réponse immunitaire innée est trop long, le virus prend une avance considérable dans sa réplication dans les voies respiratoires supérieures et les poumons, la réponse immunitaire adaptative n’est pas amorcée, entraînant une forme grave de maladie pulmonaire et une hospitalisation [6].
Description
Une immunité au SARS-CoV-2 préexisterait-elle ?
Le SARS-CoV-2 appartient à la famille des coronavirus, des virus à ARN qui infectent de nombreuses espèces animales. Six autres coronavirus sont connus pour être associés à des infections des voies respiratoires chez l’homme. Quatre d’entre eux, les coronavirus humains communs (HCoVs), sont transmis de manière endémique et connus pour causer un rhume (229E, NL63, OC43, HKU1), tandis que le SARS-CoV et le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) sont à l’origine de formes graves de pneumonies endémiques [7]. Étant donné que de nombreuses personnes ont été exposées à des rhumes causés par HCoVs, il est intéressant de chercher à déterminer s’il existe une immunité préexistante au SARS-CoV-2, aussi appelée immunité croisée, due à des expositions antérieures à des HCoVs endémiques [8,9].
Plusieurs études ont décrit la prévalence de cellules T à réaction croisée contre SARS-CoV-2 chez des sujets jamais exposés au SARS-CoV-2 [5,10–12] et chez des patients hospitalisés à cause du Covid-19 [13,14]. La majorité des cellules T à réaction croisée contre SARS-CoV-2 étaient des cellules T CD4+ [5], caractérisées comme étant des cellules T à mémoire, et nombre d’entre elles étaient des cellules T à mémoire pour les HCoVs du rhume avec des épitopes conservés entre ces virus [10,15]. Des cellules T CD8+ à réaction croisée ont été observées moins fréquemment [5], mais peuvent avoir un rôle biologique approprié [16]. La présence d’une immunité croisée dans une part de la population est très intéressante, puisque cela ouvre les portes à un certain niveau d’immunité préexistante au sein de la population [17]. Par exemple, dans le cas de la pandémie H1N1 de 2009, on a constaté une distribution inhabituelle de la gravité de la maladie, les personnes âgées s’en tirant mieux que les jeunes adultes. Cette situation est corrélée à la circulation d’une souche différente de H1N1 dans la population humaine des décennies plus tôt, ce qui a généré une immunité préexistante chez les personnes suffisamment âgées pour y avoir été exposées [18,19]. Des preuves épidémiologiques venant de l’étude d’une grande cohorte soutiennent maintenant la possibilité d’un certain degré d’immunité préexistante : les personnes infectées par le SARS-CoV-2 avec une infection confirmée par le HCoV au cours des trois années précédentes présentaient un risque significativement plus faible d’admission en unité de soins intensifs, après contrôle de l’âge et d’autres facteurs [20].
Résultats
Futures perspectives
De plus en plus de preuves confirment qu’une réactivité immunitaire préexistante au SARS‑CoV-2 existe à un certain degré dans la population générale. Cependant, les chercheurs ont rapporté des résultats variants concernant la mesure de la réaction immunitaire croisée entre le SARS-CoV-2 et les HCoVs du rhume, en raison des différences entre les sujets de recherche (sujets d’âges, de sexes et d’origines géographiques différents), les tests et les valeurs limites des tests. Les tests n’ont pas encore été standardisés et peuvent varier d’un laboratoire à l’autre en ce qui concerne les antigènes cibles, les produits utilisés, les protocoles et les interprétations. Des études prospectives, soigneusement conçues et à plus grande échelle évaluant les résultats cliniques de l’infection par le SARS-CoV-2 chez les personnes non exposées au SARS-CoV-2 ayant des cellules T à réaction croisée seront nécessaires pour fournir des preuves concluantes concernant le potentiel protecteur de ces cellules T à réaction croisée.
Références
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6. Rydyznski Moderbacher, C.; Ramirez, S.I.; Dan, J.M.; Grifoni, A.; Hastie, K.M.; Weiskopf, D.; Belanger, S.; Abbott, R.K.; Kim, C.; Choi, J.; et al. Antigen-Specific Adaptive Immunity to SARS-CoV-2 in Acute COVID-19 and Associations with Age and Disease Severity. Cell 2020, 183, 996–1012.e19, doi:10.1016/J.CELL.2020.09.038.
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